Contribution collective : Pour un printemps du communisme

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Une contribution au 38e congrès du PCF d’Elsa Faucillon (Hauts de Seine), Fanny Gaillane (Paris), Anna Meyroune (Yonne), Nora Saint-Gal (Val de Marne), Patrice Cohen-Séat (Paris), Frédérick Génevée (Val de Marne) et Frank Mouly (Seine et Marne).

Les communistes sont unanimes à constater que leur Parti n’est plus audible. Le pire est que le combat et même l’idée communiste sont pour l’essentiel identifiés au passé et non plus à l’avenir. Avant tout porteurs d’une ambition collective d’émancipation, les communistes savent que sa disparition de la scène politique aurait des conséquences extrêmement graves pour le combat de classe, pourtant bien vivace en ce 21ème siècle. Il nous faut absolument comprendre comment on en est arrivé là pour redresser la barre mais surtout pour donner du souffle à ce combat émancipateur. C’est un récit attrayant, fort, palpable et utopique que nous voulons écrire et engager.

Le mouvement communiste est en grande difficulté sur tous les continents. Comment dès lors considérer qu’il ne s’agirait que d’une question de personnes et qu’il suffirait de remplacer une équipe par une autre. C’est dans un vrai débat de fond qu’il faut nous engager pour que le congrès soit à la hauteur de la situation.

Il est utile, de ce point de vue, que chacun, y compris notre secrétaire national, donne son avis pour pointer les questions sur lesquelles il y a vraiment débat entre nous et d’avancer des réflexions. Nous concentrons cette contribution sur deux questions : la place, le contenu du communisme et la stratégie politique.

1/ Le communisme

Le communisme a suscité l’espoir et rendu crédible la possibilité d’en finir avec la domination et les ravages du capitalisme. Et son effacement objectif, à la fin du 20ème siècle, a produit le sentiment inverse « qu’il n’y a pas d’alternative ». C’est cette fausse évidence, produit d’une conjoncture historique, qui a entraîné la crise généralisée du mouvement communiste mondial. Or Pierre Laurent n’aborde pratiquement pas cette question dans sa contribution, si ce n’est pour dire que, dans la vision que nous avons du communisme, « l’idée de processus de lutte de classes, pour le dépassement continu du système capitaliste, est plus forte que l’idée de contre-système », et que plutôt qu’un discours velléitaire, « nous voulons une stratégie de transformation concrète qui ne renvoie pas l’idéal à plus tard ». Il faut en effet enraciner notre action dans les luttes et viser des transformations concrètes. Mais peut-on ignorer que l’histoire a laissé dans les esprits une certaine image du communisme et de son projet étatiste, centralisateur, égalitariste, collectiviste et même productiviste, et qu’il nous faut donc impérativement lui donner un autre sens ? Qu’appelons-nous communisme aujourd’hui ? Au delà d’un programme, quel est notre projet, la conception de la société vers laquelle nous proposons d’aller ? Comment caractériser notre idéal ?

Picasso disait être « venu au communisme comme on va à la fontaine ». C’est dire combien cet engagement paraissait alors évident et vital, conduisant des milliers de créateurs et d’intellectuels à rejoindre comme lui le Parti de la classe ouvrière. Couronnant un grand siècle de révolutions, celle d’Octobre semblait ouvrir enfin les chemins d’un monde réellement humain. Notre Parti, comme d’autres à travers le monde, s’est construit sur cet immense espoir. En l’articulant à notre propre histoire et en l’ancrant dans les luttes de la classe ouvrière, il a en a fait une perspective réaliste. C’est ainsi qu’il est devenu le premier parti de France.

A l’inverse, nos revers ont commencé quand la perspective s’est troublée, d’abord avec les révélations sur le stalinisme, puis au fur et à mesure que l’échec de l’expérience soviétique est devenu évident. Le PCF a mieux résisté que d’autres grâce à son rôle dans la Résistance et à son ancrage populaire et local. Mais il n’a cessé de s’affaiblir depuis la fin des années 70 parce que l’effondrement du communisme étatique – que nous avions soutenu peu ou prou jusqu’au bout – a ruiné dans les esprits l’idée communiste elle-même. Nous avons bien proposé un « socialisme démocratique », mais faute d’être porteurs d’une nouvelle conception du communisme, nous n’avons pas échappé à la crise qui touche sans exception l’ensemble des partis communistes du monde. Nous avons perdu ce qui faisait de nous les partisans d’une radicale alternative de société, et d’autres partis ont paru alors plus « utiles ».

Ainsi, ce qui donne à un parti communiste son utilité et sa place dans le combat politique – et ce qui le distingue du gauchisme, de la social-démocratie ou du populisme – c’est bien le communisme, c’est à dire un « mouvement réel » enraciné dans les luttes ET portant l’idéal d’une société et d’un monde enfin débarrassés de toutes les formes d’exploitation, de domination et d’aliénation. Or malgré nos textes de congrès, qui ne manquent jamais d’un « coup de chapeau » à la visée communiste, nous avons surtout travaillé à des programmes « de gouvernement » que notre faiblesse rendait d’ailleurs peu crédibles. Et nous n’avons pas redéfini, au vu des échecs passés et des nouvelles conditions des luttes de classe, les principes, les objectifs et les moyens d’un projet actuel d’émancipation humaine. Pas plus n’avons-nous réussi à ancrer dans nos pratiques, notre fonctionnement, notre démarche, un rapport émancipateur entre l’individu et le collectif. Nous parlons d’émancipation, mais nous avons beaucoup de difficultés à l’éprouver, la faire vivre.

Alors que les ravages du capitalisme mondialisé et les catastrophes vers lesquelles il entraîne l’humanité rouvrent le débat sur la critique de ce système et que la pensée de Marx fait de nouveau l’actualité, le communisme est absent de la scène politique. Nous ne pouvons pas nous résigner à cette situation. Non seulement parce que la fonction spécifique et donc l’existence de notre parti en dépendent ; mais surtout parce que la question désormais vitale du dépassement du capitalisme fait d’une revitalisation de notre combat la principale urgence politique. Notre premier objectif doit donc être de faire à nouveau du communisme une idée mobilisatrice en lui redonnant, dans les conditions d’aujourd’hui, l’épaisseur concrète d’un mouvement ancré dans les luttes réelles, et une portée anticipatrice.

Il nous faut pour cela, en lien avec tous les travaux théoriques et les expérimentations pratiques qui explorent les chemins nouveaux de l’émancipation – et qui connaissent un véritable bouillonnement en France et à l’étranger – revoir nos conceptions et notre projet sur nombre de questions. Prenons-en quelques exemples dans le cadre nécessairement limité d’une contribution.

Combattre la domination du capital par le partage et la mise en commun.

L’un des fondements du communisme est l’idée « d’abolition de la propriété privée » dont Marx et Engels, dans le Manifeste de 1848, disaient qu’elle est la « formule unique » par laquelle les communistes peuvent « résumer leur théorie ». Cette idée a été dénaturée par l’étatisation soviétique. Nous-mêmes sommes également souvent passés à coté de celles et ceux qui inventaient dans la société de nouvelles formes de partage, de production, de propriété collective.…Nous ne pourrons redonner ses couleurs à l’idée communiste d’une humanité libérée de l’exploitation sans proposer une conception nouvelle de la socialisation des moyens de production, par exemple avec un nouveau statut des entreprises, mettant fin à la mainmise du capital sur la production et l’appropriation des richesses. C’est dans ce sens que nous devons soutenir les luttes contre les plans sociaux et les délocalisations, pour le développement des pouvoirs des salariés, les SCOP, de nouvelles nationalisations, la gratuité de services publics, etc.

Liberté au travail et salaire à vie

De même en ce qui concerne le travail. Nous battre pour l’emploi est indispensable. Mais la perspective restera limitée et nous continuerons de le faire à reculons si nous ne faisons pas vivre concrètement l’idée qu’il y a une alternative historique à la subordination de notre travail aux employeurs. Cette logique est d’ailleurs à bout de souffle. Elle épuise ceux qui ont un poste de travail et stigmatise les autres comme improductifs. Il est temps de redéfinir ce qu’est le travail ! Et de faire cesser le chantage à l’emploi par un statut des « producteurs associés », par exemple avec l’institution d’un salaire à vie. C’est là aussi dans ce sens que nous devons soutenir les luttes pour le développement des droits des salariés et des chômeurs, contre la souffrance au travail et le « burn-out », pour le temps et les moyens d’un travail bien fait et la réduction du temps de travail, pour un travail qui ait du sens et œuvre à l’intérêt général.

Démocratisation radicale et révolution citoyenne

Le « dépérissement de l’État » – comme instrument de domination du capital – doit être au cœur d’un projet d’émancipation. Il suppose une conception révolutionnaire de la démocratie, fondée sur la multiplication des formes d’auto-organisation et visant à l’égal exercice de tous les pouvoirs par tous les citoyens et toutes les citoyennes. Elle appelle par exemple une forme dé-verticalisée de toutes les institutions (y compris de notre parti), de même qu’une déprofessionnalisation de la politique. C’est dans ce sens, et en mettant nos propres pratiques en accord avec ces principes, que nous répondrons à l’immense discrédit qui atteint notre système politique, et aux aspirations à l’autonomie et l’intervention citoyenne qu’expriment des mouvements comme « les Nuits debout ». Et cette volonté de reprise du pouvoir sur nos vies doit nous conduire aussi à prendre à bras-le-corps des enjeux désormais cruciaux pour les libertés comme le pluralisme des médias, ou la maîtrise citoyenne des technologies, des nanotechnologies aux algorithmes de l’intelligence artificielle.

Pas de hiérarchie des luttes émancipatrices

Inscrire toutes les luttes et toutes les initiatives porteuses d’alternatives concrètes à l’ordre existant dans la perspective d’une société d’émancipation humaine, suppose de prendre ces mobilisations telles qu’elles sont, en phase avec les évolutions et les besoins de la société. Faute de l’avoir fait, nous sommes longtemps passés à côté de celles qui, à partir des années 60/70, posaient des questions nouvelles liées notamment aux droits de la personne, et qui se sont alors développées en dehors et parfois contre nous. Nous ne devons pas commettre à nouveau de telles erreurs.

Le projet communiste vise à abolir toutes les dominations que le capitalisme tend au contraire à présenter comme « naturelles ». En donnant la priorité aux luttes dite « de classes », nous avons trop souvent sous-estimé le caractère structurel de discriminations traversant les classes populaires elles-mêmes, liées aux prétendues « races », au genre, à l’orientation sexuelle, à l’âge, etc. Il nous faut mettre au contraire tous les combats émancipateurs au même niveau. Par exemple ceux des femmes contre les dominations masculines, dont le mouvement planétaire déclenché par l’affaire Weinstein montre l’importance essentielle ; ceux des personnes « racisées », ou ceux contre une dénaturation islamophobe de la laïcité. C’est le seul moyen de travailler à une nouvelle unité et dignité des classes populaires. Cela suppose de poursuivre l’actualisation de nos analyses et de nos conceptions pour penser ensemble toutes les dominations et poser en tous domaines la question de l’égalité réelle de tous les êtres humains.

L’EcocoLOGIE !

Aujourd’hui encore, nous avons le plus grand mal à nous investir réellement dans les luttes écologiques qui pourtant, fondamentalement, mettent en cause le modèle productiviste/consumériste du capitalisme et cristallisent à leur façon l’exigence d’une alternative de civilisation. C’est désormais un enjeu vital pour l’humanité, et une préoccupation grandissante dont témoignent la vigueur et la multiplication des mobilisations. Nous avons pourtant soutenu nationalement contre toute évidence le projet pharaonique de NDDL. Et nous n’arrivons toujours pas (serons-nous les derniers ?) à affirmer la nécessité d’une sortie progressive du nucléaire, au profit des énergies renouvelables. Il faut cesser de considérer que ces luttes et ces exigences s’opposent au « progrès » ou à l’emploi, et réaliser à quel point elles constituent aujourd’hui un des vecteurs essentiels de prise de conscience des méfaits du capitalisme et de la nécessité de le dépasser. Nous devons donc nous y engager pleinement et y contribuer en portant nous-mêmes la conception d’un modèle de développement sobre piloté par l’objectif d’un « bien-vivre » humain et de préservation de l’écosystème entier à toutes les échelles, du mondial au local, de la ville aux territoires ruraux.

Migrations : le droit imprescriptible de sauver sa vie et celle des siens

Nos sociétés seront jugées demain sur la façon dont elles auront répondu à l’immense question que posent les migrations d’aujourd’hui. Notre Parti est engagé dans les mobilisations en faveur des droits des migrants. Mais les migrations actuelles, dans lesquelles les grandes puissances ont une responsabilité écrasante (esclavage, colonisation, soutien et armement des conflits, crise climatique etc.), ne cesseront de croitre dans les années et les décennies à venir. Il deviendra chaque jour plus évident que le bétonnage des frontières est une absurdité. L’indispensable solidarité finira donc par être débordée si nous ne posons pas cette question sur le plan politique et si nous ne mettons pas en débat une alternative émancipatrice à la réponse inhumaine et vaine du capitalisme. La seule façon de lutter contre les réactions racistes et identitaires dont on voit déjà dans toute l’Europe les dégâts politiques est d’associer notre conception de l’émancipation au parti pris des migrants et à l’affirmation du droit imprescriptible de tout être humain à s’installer hors des frontières de son pays si c’est la condition de sa survie et de celle de sa famille. Et de poser pour cela frontalement l’exigence d’un autre ordre international, s’en prenant aux causes des migrations, tout en luttant sans ambiguïté pour le droit de circulation et d’installation de celles et ceux qui prennent le terrible risque de l’exode.

Gagner la bataille de l’Europe

La construction européenne est en train d’asphyxier le débat politique en mettant chacun des pays qui la composent face au choix impossible entre continuer de subir les traités néolibéraux ou sortir de l’Union, même comme plan B. Echapper à ce dilemme est un impératif politique. Nous devons nous emparer de la grande idée européenne – à laquelle, malgré tout, l’immense majorité des européens reste à juste titre attachés – comme d’une dimension essentielle de notre internationalisme, et faire d’une transformation de l’Europe une étape et un levier essentiels du combat pour faire vivre la possibilité d’une alternative à l’ordre capitaliste mondial. C’est possible parce que la France n’est pas la Grèce. Elle dispose de nombreux moyens d’agir, dont sa capacité de blocage de toute nouvelle adaptation de l’Europe à l’ordre mondial actuel ou la désobéissance à certaines directives, qui créeraient une situation insupportable pour les forces qui soutiennent le capital et imposeraient la renégociation des traités. Ce combat ne pourra se mener qu’au nom d’une autre construction européenne – une Europe à « géométrie choisie » qui n’obligera jamais aucun peuple à s’aligner sur des politiques qu’il refuse – et nécessitera de travailler à une dynamique européenne de rassemblement. Ce doit être désormais un objectif politique prioritaire qui suppose d’élever considérablement le niveau des nos objectifs et de notre engagement. Au delà du Forum européen progressiste, il nous faut travailler à une nouvelle initiative de très grande ampleur que notre Parti, compte tenu de son histoire et de la place de la France en Europe, a la légitimité et donc le devoir de proposer à toutes les forces disponibles en France et en Europe.

Ainsi, sur ces questions comme sur tous les grands enjeux politiques, nous devons faire ce travail fondamental visant à reconstituer les principes et les repères d’une alternative communiste à l’ordre existant, et à les traduire en batailles concrètes. Il ne s’agit pas de « renvoyer l’idéal à plus tard » ni de proposer un communisme « prêt-à-porter », mais de dire en quoi il consiste et donc le type de société vers laquelle nous proposons d’aller. Tant que nous ne pourrons pas dire ainsi, fondamentalement, « ce que nous voulons », nous resterons dans l’incapacité de combattre l’amalgame entretenu sans cesse par nos adversaires entre notre projet et l’image du communisme que l’histoire a laissée dans les esprits.

2/ Notre stratégie politique

Pierre définit notre « parti-pris stratégique » comme « le combat qui permet, en toutes circonstances, au mouvement réel de la société de pousser le plus loin possible ses potentialités transformatrices. » On ne peut qu’être d’accord avec cette idée générale qui est de fait la nôtre depuis que nous avons abandonné la « dictature du prolétariat ». Mais toute la question est de savoir comment la mettre en œuvre, et surtout, comment articuler notre présence dans les luttes et nos batailles idéologiques avec une stratégie rendant crédible la perspective d’une alternative politique. Or le dernier demi siècle nous pose de ce point de vue de très sérieux problèmes puisque, successivement, la stratégie d’Union de la gauche, puis celle du Front de gauche se sont soldées par des échecs. Ce qui, de notre point de vue, oblige à faire une analyse critique de ces stratégies non pas seulement depuis 2009, comme le propose Pierre, en ne réfléchissant finalement qu’à la période du Front de gauche, mais depuis les années 60 et notre combat pour l’Union de la gauche.

Sans rassemblement de toutes celles et ceux qui ont intérêt au changement, il n’y a pas de majorité possible : là dessus, l’accord est général dans le Parti car personne n’imagine que tout le monde pourrait dans une société comme la nôtre se rassembler derrière le même drapeau. En revanche, il y a débat sur deux points principaux : le périmètre et la forme du rassemblement.

La gauche et les forces de transformation sociale.

Pour s’opposer à la droite et l’extrême droite, pour créer une alternative antilibérale, le rassemblement de la gauche – c’est-à-dire de toutes les forces qui se battent autant pour l’égalité que pour la liberté – est une nécessité. Mais on sait qu’il y a à gauche depuis toujours des forces qui visent une simple adaptation du capitalisme, et d’autres, dont nous sommes, qui pensent qu’il faut une profonde transformation anticapitaliste de la société. L’une des principales leçons qu’il faut tirer des expériences d’union de la gauche est que les accords de sommet, même quand ils sont envisageables, ne peuvent suffire à garantir une réelle transformation sociale.

Et pourtant, malgré le faible niveau global de la gauche aux élections de 2017, le résultat de J.-L. Mélenchon montre l’importance des exigences transformatrices. Il nous faut donc aller bien au delà des accords entre partis et inventer avec les femmes et les hommes, les mouvements, les nombreux collectifs qui se développent dans les quartiers populaires, des formes de rassemblement répondant à ce besoin d’engagement politique ouvert et libre.

De plus, dès lors que notre affaiblissement s’est accompagné du développement d’autres forces critiques du capitalisme, notre stratégie doit viser à les faire converger pour leur donner, ensemble, un poids politique suffisant. C’est ce que nous avons commencé à faire après 2002, notamment lors de la bataille du referendum de 2005 puis avec le Front de gauche. Mais nous n’avons pas su/voulu tenir ce cap. Et notre affaiblissement s’est aggravé du fait qu’après des décennies d’Union de la gauche, nos zigzags et nos alliances à géométrie variable ont désorienté les classes populaires qui ont fini par ne plus savoir si nous combattions réellement la dérive néolibérale du PS, ou si nous nous y résignions. Le résultat est que, loin de pouvoir identifier en nous un recours, le vaste mouvement qui balaie un peu partout en Europe les partis socio-démocrates nous a ignoré, une partie a déserté, une autre s’est investie dans la France insoumise. La seconde grande leçon que nous devons tirer des expériences d’union de la gauche est donc que, sauf à être emportés nous-mêmes par le discrédit des « forces d’adaptation », nous ne pouvons aller avec elles au delà d’accords électoraux visant à battre la droite et l’extrême droite que lorsque les rapports de force garantissent la mise en œuvre de politiques anticapitalistes permettant une nette amélioration de la vie des classes populaires. Dans nos rapports avec le PS, ce n’était manifestement pas le cas depuis longtemps.

Pour une « force commune ».

La nécessité de faire converger les forces de transformation sociale est aujourd’hui une évidence politique. Leur division a conduit à l’éparpillement et à l’impuissance entre 1988 et 2007. Et leur rassemblement dans le Front de gauche en 2012 a permis une dynamique qui, malgré nos hésitations, a rendu possible le succès de 2017, sans équivalent depuis Jacques Duclos en 1969. Mais sous sa forme d’un cartel de sommet, tenant à distance les citoyen.ne.s, cette expérience a échoué elle aussi. Certes, il y a eu un sérieux désaccord stratégique puisque, comme le montre de façon évidente une récente contribution de Bob Injey, la direction de notre parti cherchait un impossible rassemblement de toute la gauche alors que Jean-Luc Mélenchon voulait une rupture claire avec un PS rejeté par les classes populaires. L’impasse est venue de l’impossibilité d’apporter une solution à ce différend, conduisant à la rupture.

Mais en elle-même, l’idée du Front de gauche est une expérience politique qui a montré des potentialités. Il est donc nécessaire de la reprendre pour aller au-delà et imaginer une nouvelle forme de rassemblement des forces de transformation sociale, dépassant le seul cadre des partis. Dans le respect d’un socle commun, elle doit garantir à chacune la complète liberté de ses propres combats – pour nous : porter l’ambition communiste – et contribuer ainsi à la dynamique générale. Et elle doit leur permettre de mener ensemble les batailles qui leurs sont communes et de proposer des programmes et des candidatures d’union lorsque les circonstances et le système électoral l’exigent. C’est ce que nous appelons une « force commune », espace politique de bouillonnement des organisations, mouvements, citoyen-nes, intellectuel-les, artistes, personnalités au service de la mobilisation populaire.

Dire que Jean-Luc Mélenchon n’est pas prêt aujourd’hui à s’engager dans une telle démarche est une réalité, mais aussi l’aveu d’un manque de propositions et d’initiatives nouvelles de notre part pour répondre aux attentes actuelles des citoyens d’autres façons de faire de la politique et de se rassembler. « L’union est un combat », et si nous ne le menons pas, la division, l’éclatement et l’impuissance continueront de dominer. Parce que les communistes ont toujours l’objectif, comme le disaient Marx et Engels, de représenter les intérêts du « mouvement prolétarien » dans sa totalité, il leur appartient une fois de plus de proposer des formes qui permettent la convergence des forces de transformation sociale. Le communisme politique en France n’a jamais été aussi fort et utile que lorsqu’il a été capable, dans les conditions du moment, de porter une perspective de rassemblement. Cela implique, avec lucidité et ambition, de faire vivre culturellement et politiquement ce nouveau rapport aux autres !