Justice des mineurs : le gouvernement a la répression comme Boussole

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L’ordonnance du 2 février 1945 reconnaissait la spécificité de l’enfance et faisait primer l’éducatif sur le répressif, deux principes aux fondements de notre système de justice des mineurs, humain et adapté.

Pourtant, le texte que vous nous présentez aujourd’hui bafoue l’un et l’autre de ces principes et sous couvert d’autorité, il s’inscrit parfaitement dans la continuité de votre dérive réactionnaire.

Alors que la justice des mineurs devrait accompagner, réparer et réhabiliter, vous érigez la répression comme principal cardinal de cette justice, avec comme unique finalité de punir, le plus vite et le plus durement possible. 

Aujourd’hui, c’est la moitié des mineurs condamnés qui récidive dans les 2 ans. Le constat, certes alarmant, n’est donc pas celui d’un manque de sévérité, mais bien d’un manque d’accompagnement socio-éducatif.

Et pourtant, le principe de primauté de l’éducatif sur le punitif ne cesse d’être piétiné par les gouvernements successifs, comme l’a montré la suppression de 500 postes d’éducateurs de la PJJ par le gouvernement démissionnaire Attal. Des éducateurs qui sont les piliers de la réinsertion et de la lutte contre la récidive. En somme, vous fabriquez des récidivistes.

Mais ce n’est pas tout, avec ce texte, vous faites de l’adolescent un adulte miniature, ce qui révèle votre profonde méconnaissance du jeune et de son développement affectif et psychologique.

Dès à présent, et avec cette loi, les juridictions devront en effet justifier l’usage de l’atténuation de responsabilité pour les adolescents de 16 à 18 ans. En bref, il devient désormais nécessaire de prouver la pertinence du respect d’un principe constitutionnel.

Je pourrais également illustrer l’absurdité de ce texte avec son article 4, qui vise à créer une procédure de comparution immédiate pour les mineurs. Car vous ne vous contentez pas de traiter les adultes et les adolescents à la même enseigne, vous allez jusqu’à infliger un régime plus strict aux mineurs qu’aux majeurs. Ainsi, le mineur pourrait rester jusqu’à 4 jours en détention provisoire contre 3 jours maximum pour un majeur. De même pour les délais en cas de report : le mineur devra être jugé entre 10 jours et 4 semaines alors que le majeur entre 4 semaines et 10 semaines.

Alors même que nous connaissons les conséquences dramatiques de la comparution immédiate, une mesure répressive d’exception qui n’en est par ailleurs plus une.

Et il est prouvé par les études scientifiques, à défaut de statistiques nationales, que la comparution immédiate multiplie par 8,4 la probabilité d’un emprisonnement ferme par rapport à une audience classique de jugement et que 70% des peines sont des peines de prison ferme. 

Le système pénitentiaire actuel brise des vies et il est donc ici question d’y envoyer à la chaîne des adolescents qui, au contraire, ont besoin d’accompagnement et de soutien. 

Et vous dites également vouloir responsabiliser les parents. En réalité, vous ne faites qu’enfoncer des familles dans la précarité. De nombreuses études soulignent déjà l’étendue des difficultés sociales et économiques auxquelles ces familles sont déjà confrontées, mais vous préférez inventer de nouvelles sanctions dont l’efficacité est déjà remise en cause. 

Et encore une fois, ce sont les populations des quartiers populaires que vous ciblez et stigmatisez, et ce, sans porter la moindre attention aux causes sociales et profondes de la délinquance. 

Mais si vous souhaitez à ce point forcer le trait de l’autoritarisme, ayez au moins les moyens de vos ambitions. Les prisons françaises sont déjà surpeuplées, insalubres et parfois inhumaines. Où souhaitez-vous incarcérer ces jeunes ? Avec quels moyens ? Avec quels personnels ?

A défaut de réforme du système pénitentiaire, ou du moins d’une hausse considérable et nécessaire des moyens, vous vous obstinez à faire passer des mesures toutes plus réactionnaires les unes que les autres qui n’ont pour finalité que de creuser la tombe du service public de la justice.

L’Unicef, le Conseil national des barreaux, l’UNIOPSS, Citoyens & Justice,… Ils sont tous vent debout contre votre loi, pourtant vous continuez à ignorer les acteurs les plus légitimes à s’exprimer sur la question. Et vous préférez suivre des logiques d’affichage politique démagogique, quitte à rompre avec les principes fondamentaux du droit et les conventions internationales.

Vous l’aurez compris, ce texte n’a en aucun cas la volonté de répondre efficacement aux enjeux de la justice des mineurs. Ce texte n’est pas une réforme, mais une abdication, un abandon de nos jeunes au profit d’une logique de stigmatisation, de punition et de peur. Cela ne sera qu’une loi parmi tant d’autres avant elles qui ont pour point commun de sacrifier la justice et la vie de milliers de jeunes sur l’autel de vos agendas politiques.