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Débat à l’Assemblée nationale thème : “Haine anti- musulmans, islamophobie : qualification juridique et politiques publiques de lutte contre ces discriminations”
Il y a un an, alors que le Rassemblement national gagnait du terrain aux européennes et que l’extrême droite menaçait de s’imposer aux législatives, la peur, la colère et l’angoisse pesaient sur le quotidien de nombreux citoyens, en particulier ceux frappés par le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie.
Peu après les élections, de nombreuses personnes de confessions musulmanes m’ont parlé d’un vote de « survie » face à un climat islamophobe qui empoisonne leur quotidien. Ils aimeraient tellement qu’on parle d’autre chose, du droit au logement, des profs en nombre suffisants dans les écoles pas du voile que portent des accompagnatrices scolaires, du prix des aliments pas de l’huile qui manquerait à cause du ramadan…
Pour tous ceux avec qui j’ai échangé, musulmanes et musulmans, mais aussi pour tout ceux qui se tiennent à leurs cotés, c’est un océan d’hostilité, l’atmosphère est suffocante. Ils et elles veulent vivre leur confession dans le respect, c’est une part seulement de leur être, pas tout leur être, et cette part est intime.
L’islamophobie est une discrimination qui vise les musulmanes et les musulmans et celles et ceux perçus comme tels, en les enfermant dans une identité figée.
Ancrés dans l’histoire coloniale européenne, les préjugés nourrissent l’illusion d’une incompatibilité entre l’islam et les « valeurs européennes », agitant le spectre d’une prétendue « islamisation », sur lequel prospèrent les mouvements d’extrême-droite racistes et xénophobes.
L’islamophobie a des conséquences bien réelles pour nos concitoyens musulmans. Près de la moitié des musulmans vivant dans l’Union européenne (47 %) déclarent subir des discriminations au quotidien.
Dans notre pays, depuis mai 2017, au moins 77 attaques ont visé des mosquées.
Parmi elles, l’attaque tragique contre la mosquée de Bayonne, où Claude Sinké, ancien candidat du Rassemblement national a tenté d’incendier le lieu de culte avant d’ouvrir le feu, blessant grièvement deux personnes.
Selon le ministère de l’Intérieur, 173 actes « antimusulmans » ont été recensés en 2024. Mais ce chiffre comme le relève le rapport introductif est bien en deçà de la réalité. Car ne sont comptabilisés que ceux signalés aux autorités, et face à une islamophobie systémique, combien osent encore franchir la porte d’un commissariat ?
Ces chiffres illustrent donc bien la difficulté à recenser ces actes. L’initiative de l’association de défense contre les discriminations et les actes antimusulmans devrait nous permettre d’obtenir une radiographie plus précise.
Ce qui est sur en revanche, c’est que les femmes sont touchées de manière disproportionnée par l’islamophobie. D’après le collectif Nous Toutes, elles sont la cible de 75 % des agressions.
Dans le discours public depuis des années, les femmes musulmanes, particulièrement celles qui portent le voile, sont la cible de discours violents. Chaque recoin de la société devient un prétexte pour restreindre un peu plus la liberté des femmes musulmanes, sous couvert d’une laïcité dévoyée en outil d’exclusion.
En 2015, Éric Ciotti proposait l’interdiction du voile à l’université, soutenu par Manuel Valls en 2016. Michel Barnier et Bruno Retailleau allaient plus loin, appelant à bannir le voile jusque dans l’espace public, reprenant la rhétorique du Rassemblement national.
Derrière ces attaques, une vieille logique coloniale refait surface : celle qui, hier, prétendait “libérer” les femmes en leur arrachant leur voile en Algérie. Une domination d’hier qui se perpétue aujourd’hui sous d’autres formes: celles de lois islamophobes.
Ce lundi, le ministre des Outre-mer déclarait : « La haine des Juifs vient essentiellement du monde arabo-musulman, en France comme ailleurs. ».
Manuel Valls ne fait que renforcer le mythe d’un « nouvel antisémitisme », prétendument importé par l’immigration et l’Islam, tout cela au service de l’extrême droite et de sa normalisation.
Pourtant, combattre le racisme, l’antisémitisme et l’islamophobie, c’est refuser toutes leurs formes, sans hiérarchie ni instrumentalisation.
Ces propos sont d’autant plus honteux que l’antisémitisme et l’islamophobie se nourrissent des mêmes fantasmes complotistes, comme le mythe du « grand remplacement », brandi par l’extrême droite lors des manifestations à Saint-Brevin.
Et le racisme anti-juifs et le racisme anti-musulmans partagent des mécanismes en commun, Hier, le spectre du « judéo-bolchevisme », aujourd’hui celui de « l’islamo-gauchisme » : toujours cette même obsession d’une alliance imaginaire avec des forces subversives.
Et toujours ce même postulat d’incompatibilité pour les musulmans, comme le diffusait les penseurs antisémites français depuis des siècles.
Plus généralement, comme le souligne le rapport plusieurs lois notamment la « loi séparatisme » instille une suspicion à l’égard de l’ensemble des musulmans et de la société civile musulmane.
Cet enjeu en symbolise beaucoup d’autres, au coeur de ce rapport. Comment lutter contre l’islamophobie quand des responsables politiques porte l’islamophobie au coeur des pouvoirs publics?
Nous pouvons pourtant mener des politiques de lutte contre la radicalisation et le terrorisme sans arbitraire, sans islamophobie, sans confusionnisme.
À une époque où l’extrême droite s’immisce dans les rouages du pouvoir, il est crucial de reconnaître la responsabilité historique de la classe dirigeante et de ses relais médiatiques dans la banalisation de cette islamophobie institutionnelle
Face à cela, nous avons besoin de reconstruire des digues pour résister à cette hégémonie culturelle qui cherche à faire de l’islam et de l’immigration des menaces supposées et en premier lieu au coeur de nos institutions.