Commémoration du 17 octobre 1961

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Discours prononcé le 18 octobre 2025 à la cérémonie de commémoration du 17 octobre 1961 à l’invitation de l’association La colombe et le Fennec

Monsieur le Consul d’Algérie,

Madame la Députée, Chère Fatiha,

Monsieur le Maire, Cher Patrick,

Monsieur le Président de l’Association la colombe et le fennec, Cher Karim,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes réunis aujourd’hui pour inaugurer une stèle commémorative, ici à Colombes, fruit d’un long combat, afin d’honorer la mémoire des algériens tués le 17 octobre 1961 en France, au cours d’un massacre, d’un crime d’Etat. 

Pour ouvrir cette commémoration, je souhaite partager avec vous ces vers de Kateb Yacine :


« Peuple français, tu as tout vu. Oui, tout vu de tes propres yeux.
Et maintenant vas-tu parler ? Et maintenant vas-tu te taire ? »

Ici aujourd’hui, nous faisons un choix : celui de ne pas taire la douleur, celui de faire mémoire de ce massacre.


Faire l’inverse de ce que notre pays a fait dès le lendemain du crime : tenter délibérément de l’effacer de l’histoire.

Ce silence organisé est illustré par un geste devenu symbole : le graffiti « Ici, on noie les Algériens », tracé par Jean-Michel Mension sur les abords du Pont Saint-Michel. En quelques heures, il est effacé par les autorités. 

La seule trace de son existence demeure la photographie prise par Jean Texier et Claude Angeli.

Ce n’est que vingt-quatre ans plus tard qu’elle paraît enfin, d’abord dans L’Humanité, puis en une du journal en 1986.

Cette image, qui ne montre pas les massacres eux-mêmes mais la dénonciation de ces massacres à travers ce cri écrit « Ici, on noie les Algériens »  est devenue, avec le temps, le symbole de la volonté politique de dissimuler un crime d’État.

Il est possible que l’on apprenne d’avantages sur une société en considérant plus ce qu’elle ne commémore pas, que ce qu’elle commémore.

Alors Souvenons-nous, Ce 17 octobre, 30 à 40 000 Algériens convergent pacifiquement, pour certains en famille et en habit du dimanche, en plusieurs point de Paris. Une bonne part a fait le déplacement depuis les chapelets de bidonvilles qu’ils habitent en banlieue.

Subitement, la manifestation tourne au carnage. Les Algériens sont arrêtés en masse, parqués par milliers au Palais des Sports de la porte de Versailles, à la Préfecture de Police, dans la plupart des commissariats parisiens et de proche banlieue. La plupart en ressortent blessés… certains n’en ressortiront jamais.

Souvenons nous de cette nuit d’horreur sans nom, dont le souvenir a été occulté pendant des décennies, et qui n’a pas encore toute sa place dans la mémoire collective de la République. 

Nous avons perdu des hommes de valeur, qui sont sortis manifester dans la dignité et pour la liberté de leur pays. Nous rendons hommage à leur courage et à leur combat. 

Cette mémoire résonne tout particulièrement ici, du fait du passé ouvrier de nos communes, qui s’entremêle avec l’Histoire de l’immigration en France. 

Il est donc tout d’abord question du respect de la mémoire de chacune des victimes, au premier rang desquelles les algériens de nos communes, violentées ou disparues. 

Et ensuite de la dignité de leurs enfants et de leurs petits-enfants, qui sont aujourd’hui les témoins de cette histoire.

Ce travail de mémoire est important pour la société tout entière, dans la nécessaire reconnaissance du point jusqu’où le colonialisme a pu la conduire  de ce qu’il lui a coûté à elle-même. 

Ce regard faussé sur l’histoire résonne tragiquement avec notre présent. Car la radicalisation du projet colonial et suprémaciste israélien a conduit, sous nos yeux, à un génocide à Gaza. Un peuple entier y est enfermé, affamé, bombardé jusqu’à il ya peu, dépossédé de tout jusqu’au droit de vivre sur sa propre terre. 

Reconnaître les crimes du passé n’a de sens que si nous savons en tirer les leçons pour le présent pour refuser la logique coloniale, qui, continue de détruire des vies et d’anéantir des peuples.

Alors que la France commence à reconnaître le 17 octobre 1961, je remercie à cet égard ma collègue et voisine de circonscription Sabrina Sebaihi pour son travail pugnace.  Notre devoir est de poursuivre ce travail de vérité, en éclairant aussi le 8 mai 1945, trop souvent passé sous silence, ce jour où, tandis que l’Europe célébrait la victoire sur le nazisme, l’impérialisme français faisait couler le sang en Algérie. C’est un travail que nous menons aussi avec ma collègue Fatiha Keloua Hachi ici présente. 

Les relations franco-algériennes ne pourront pas s’apaiser sans que soit pleinement abordé le traumatisme colonial. Cela exige un engagement concret : une véritable dimension d’éducation populaire autour de ces événements encore trop méconnus, à la fois au niveau communal et au cœur des programmes scolaires ; la reprise des travaux de la commission mixte d’historiens algériens et français ; un travail législatif sur la reconnaissance du 17 octobre 1961 comme crime d’État ; et enfin un travail sur les restitutions des biens et des restes humains encore conservés dans les collections françaises.

Face à cette politique du ressentiment, nous devons affirmer celle de la paix, surtout celle courage et de la vérité. Écrire une nouvelle page, ensemble, c’est refuser la haine, tendre la main, et faire de la mémoire non pas une arme, mais un pont entre les peuples.