UNE LOI CONTRE LES ENERGIES FOSSILES

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La pollution de l’air tue chaque année 7 millions de personnes dans le monde et plusieurs dizaines de milliers dans notre pays. Le dérèglement climatique et ses conséquences désastreuses pour l’humanité ne sont plus à prouver, tout comme le rôle des énergies fossiles dans cette catastrophe qui se concrétise chaque jour.  

Pourtant, en France, les six plus grandes banques continuent de financer le développement des énergies polluantes avec l’argent de l’épargne populaire des Français placé notamment… dans les Livrets de Développement Durable et Solidaire. On estime ainsi au total que près de 43 milliards d’euros seraient investis chaque année dans les hydrocarbures par les banques, soit 9 milliards d’euros de plus que le budget de l’Etat pour la transition écologique !

De nombreuses ONG se sont mobilisées ces dernières années pour le désinvestissement dans les énergies polluantes. En janvier dernier, avec mes collègues du groupe communiste, nous avons déposé une proposition de loi pour que la transparence soit faite sur ce scandale et pour le faire cesser. Des députés de la France insoumise et du Parti socialiste y ont dès le début apporté leur soutien.

Comprendre le texte en 3 minutes : 

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Rejetée par la Commission des finances le 20 février, la proposition a de nouveau été discutée face au gouvernement jeudi 7 mars, dans l’hémicycle, dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire du groupe Gauche démocrate et républicaine et dans un contexte où les mobilisations pour le climat grandissent et se multiplient.

Attac, 350.org, Zéro Fossile et de nombreuses autres organisations ont organisé un rassemblement de soutien citoyen à la proposition de loi devant l’Assemblée nationale, quelques heures avant l’examen du texte.

Quelques images du rassemblement :

https://www.facebook.com/AvecElsaFaucillon/posts/674550582962208?__xts__[0]=68.ARAq53zWrYfGzbBmoy21Nr_1a0AZS0rzUEGEqF4gNUWIZgp6q6sdw5lJWlbWC2hrrGgr_CSFKKjJbrBaZ7zCMB6oFMmA5dDy_jnz1PNDz6wpJ9WNupW0DUbkwieKm9RhEwhJEsq1trAm0rnWFYYoBECt27B8k2dWrw4SgEGW_30yj456xNRkEa9jC1WHDKrpWaeShLp0t5j0zM2b-x_vdotzOOByiMPRIoXtVYbx7A3ViQaBOj6Rw5MAVpCmkaBDGLb6Nmpuo4L26eOPJn4L-pubA_0IdbaPifX30Fr1R29nS8Ts2OX2Q1bR8w6fBBHUmfJ6zxi5eOitGqh5OHxHmVmuzTDy56yuP9p4AkRIhkuTLvfNQe6-VXuxQ_kCGvlIprZ0gYIvhcITN9TnkFZkMfCP-lG-CBsusBq-V0VxohbCYQ&__tn__=-R

La discussion dans l’hémicycle

Après le rejet du texte en Commission des finances le mercredi 20 février, l’ensemble des députés ont pu débattre des articles – puisqu’il s’agissait de la seule proposition de loi qui n’avait pas fait l’objet d’une motion de rejet parmi les quatre autres présentées par les députés communistes – le jeudi 7 mars, en présence de la secrétaire d’Etat Agnès Pannier-Runacher.

Retour en quelques images sur le débat parlementaire :

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Intervention générale :

Madame la Présidente,

Madame la Secrétaire d’Etat,

Chers collègues,

Partout, les mobilisations fleurissent pour faire vivre l’espoir d’une bataille climatique gagnée, ou disons d’un avenir plus serein. Des mobilisations citoyennes, politiques, étudiantes qui appellent toutes à en finir avec l’inaction face à une catastrophe assurée, avec les pas trop petits face à système entier qui avance à reculons et freine la révolution écologique que nous avons toute et tous à mener.

Ces derniers mois, deux millions de nos concitoyens se sont engagés pour soutenir l’Affaire du siècle afin de forcer l’Etat et les puissances financières à agir enfin à la hauteur des enjeux, à ne plus se contenter de discours main sur le coeur.

Le mouvement de la jeunesse contre la catastrophe écologique a appelé, le 15 mars prochain, à la grève scolaire et étudiante pour le climat. Leur clairvoyance et leur ambition pour l’humanité doivent nous guider à cet instant. Les peuples se mobilisent pour contraindre les pouvoirs publics à agir, parce que quarante mois après l’accord de Paris pour le Climat, nous ne parvenons pas à atteindre nos objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre, on ne cesse de compter les morts et les malades de la pollution de l’air.

Depuis la COP 21, les banques et les investisseurs institutionnels, publics comme privés, ont pris des engagements mais ces engagements se traduisent bien mal dans les faits. Deux rapports d’Oxfam France et des Amis de la Terre, publiés en novembre dernier, montrent que sur 10 euros de financements accordés aux énergies par les banques, 7 euros vont aux énergies fossiles, contre 2 euros seulement aux renouvelables. Pire, les banques françaises ont augmenté de 52 % leurs soutiens aux entreprises prévoyant la construction de nouvelles centrales à charbon. C’est dire le pouvoir des industries fossiles.

La « finance verte » relève aujourd’hui trop souvent de mesures de communication et masque la poursuite, parfois même l’accélération des investissements fossiles. Je veux saluer le rôle de lanceurs d’alertes qu’ont eu en ce sens les ONG Attac ou 350.org, des économistes, des militants et citoyens qui ont permis que nous ayons aujourd’hui ce débat ici.

L’agence internationale de l’énergie nous alerte : pour éviter que le réchauffement climatique ne dépasse 2 degrés, nous devons absolument laisser à leur place dans le sol, d’ici 2050, la moitié des réserves de pétrole et de gaz et 80 % des réserves de charbon.

Il y a donc urgence à réorienter l’investissement qui finance les hydrocarbures et cela doit être, Monsieur le ministre, mes chers collègues, une priorité bien palpable.

Sans compter le risque majeur pour les peuples d’une instabilité du système financier, si les banques ne réorientent pas dès maintenant leurs financements dirigés vers des actifs condamnés à la dévalorisation. Voilà la logique court-termiste des acteurs financiers, que même le gouverneur de la Banque d’Angleterre – que vous entendrez si vous ne croyez pas la marxiste que je suis – a qualifié de « tragédie des horizons ».

Car chacun se souvient de ce qu’a coûté à la collectivité, en 2008, le sauvetage des banques. Ne laissons pas se reproduire un tel scénario : il faut dissuader les banques de financer des investissements à la fois nocifs pour la planète et susceptibles de forcer les pouvoirs publics à venir à leur secours, nous avons bien mieux à faire.

Les investisseurs doivent être mis face à l’immense responsabilité qui est la leur et contraindre leur soutien financier au respect des exigences environnementales et de l’objectif de sortie des énergies fossiles.

Dans ce but, la proposition de loi utilise deux leviers :

– l’épargne réglementée, dont utilisation doit être pleinement conforme aux objectifs de transition énergétique ; on ne peut plus tolérer qu’elle soit utilisée dans l’opacité et contre l’intérêt général.

– les mesures de transparence sur les risques climat, pour lesquelles la France a été pionnière avec l’article 173 de la loi de 2015 sur la transition énergétique, mais en ciblant désormais plus directement les investissements dans les énergies fossiles.

Tous deux ont des enjeux démocratiques forts.

Le livret A et le livret dit de développement durable et solidaire constituent le principal support de l’épargne populaire, pour un encours de plus de 380 milliards d’euros. Ces ressources ne financement pas suffisamment la transition écologique et, en décembre dernier le Ministre de l’Économie a lui-même parlé, au sujet du LDDS, de « tromperie sur la marchandise ».

L’article premier vise l’encours de ces livrets restant au bilan des banques et non centralisés à la Caisse des dépôts, soit plus de 150 milliards d’euros. La loi prévoit déjà des cas d’emplois précis mais l’arrêté de décembre 2008 qui fixe les minima de ratios d’encours de prêts issus de ces ressources ne prévoit pas un total réglementaire de 100 % et laisse aux banques une marge contre-productive car insuffisante pour les travaux d’économie d’énergie.

Cet article ouvre également la voie à plus de transparence sur l’emploi de ces fonds, avec une information détaillée du Parlement. Nous proposons, aussi, de doter l’observatoire de l’épargne réglementée d’une vraie compétence d’évaluation dans ce domaine.

L’article 3 concerne lui les ressources centralisées auprès de la Caisse des dépôts, dont l’encours s’élevait fin 2017 à 245 milliards d’euros, dont 62 pour le Livret de Développement Durable et Solidaire.

70 % du fonds d’épargne finance effectivement des prêts de long terme dans les domaines du logement social, de l’appui aux territoires et de la transition écologique. L’enjeu porte sur les 30 % restants qui constituent le portefeuille financier.

Nous proposons donc avec cet article le désengagement complet de ce segment du fonds d’épargne des entreprises qui extraient et exploitent des énergies fossiles. Pour doter la Caisse des dépôts d’une menace crédible de désinvestissement à brève échéance sur les autres segments de ses financements, comme la section générale.

Pour cela, la commission des finances a adopté un amendement que j’ai présenté en faveur d’un rapport remis chaque année au Parlement par le conseil de surveillance de la Caisse des dépôts pour présenter cette stratégie de désinvestissement.

Le second axe de la proposition de loi vise à établir, pour tous les acteurs financiers, des mesures pleinement effectives de transparence sur les investissements en énergie fossiles.

Les dispositions actuelles, issues de l’article 173 de la loi transition énergétique, prévoient que les investisseurs institutionnels, dans leurs rapports annuels, informent sur la façon dont ils tiennent compte des risques liés au changement climatique et contribuent aux objectifs de limitation du réchauffement. Cette approche a été pionnière mais elle présente deux faiblesses. L’approche est exclusivement volontaire, selon une logique dite « appliquer ou expliquer ». Et elle se focalise sur la définition d’indicateurs d’impact climatique des investissements, parfois excessivement complexes.

Le risque d’alibi vert est avéré. L’Autorité des marchés financiers a par exemple identifié des fonds d’investissements qui mettent en avant des sous-ensembles de fonds actifs dans la transition écologique mais qui passent sous silence d’autres sous-ensembles de fonds qui financent, eux, le développement des énergies fossiles.

Sans une véritable transparence sur les activités financières nocives à nos défis environnementaux, mes chers collègues, nous ne pourrons pas être en mesure d’attendre des objectifs crédibles de la part des entreprises et des finances pour la transition écologique.

Concernant les banques, l’article 2 établit une obligation de transparence dans une section du Code monétaire et financier relative aux dispositions prudentielles, ces mesures doivent désormais inclure les risques liés au climat.

Je vous proposerai des amendements visant à rendre cette transparence la plus précise, exhaustive et effective possible, en l’étendant aux activités de service de financement de marché et en confortant, en cas de manquements, le pouvoir de sanction de l’Autorité de contrôle prudentiel.

Je vous proposerai également d’établir les mêmes obligations de transparence sur les activités d’assurance, qui sont le plus directement exposé aux effets du dérèglement climatique, mais qui contribuent elles-mêmes au réchauffement, lorsqu’elles assurent des projets d’exploration et l’exploitation des énergies fossiles.

Enfin l’article 4 permet de toucher l’ensemble des investisseurs institutionnels, dont les assureurs-vie. Quatre années après l’adoption de l’article 173, une nouvelle intervention du législateur est loin d’être prématurée. Contrairement à ce que prévoyait un décret de décembre 2015, le Gouvernement n’a toujours pas effectué le bilan à trois ans de l’application de la loi.

Les prétextes à l’inaction sont nombreux. Beaucoup se sont à nouveau révélés lors de l’examen de notre texte par la commission des finances.

Car la priorité serait…d’attendre…

Attendre que de nouveaux bilans s’ajoutent aux anciens rapports.

Attendre que le gouvernement mette à jour des dispositions réglementaires, comme si l’inertie des ministères devait freiner l’initiative parlementaire.

Attendre de l’Europe, comme si les initiatives fortes des Etats membres n’étaient pas en mesure d’influencer des actions à l’échelle internationale.

Attendre encore, au motif que la proposition de loi émane d’un groupe parlementaire d’opposition, comme si ces considérations pouvaient loyalement faire obstacle à des intérêts aussi supérieurs que notre survie collective.

Nous vous le disons à nouveau : nous n’avons plus le temps d’attendre.

Aujourd’hui encore, des centaines de personnes se sont rassemblées devant nos murs en faveur de ce texte. Dehors, les citoyens, eux, attendent que vous agissiez. Les jeunes se mobilisent pour que ce monde en lambeau ne soit pas leur fardeau.

Madame la Secrétaire d’Etat, nous espérons que votre seule réponse à leur mobilisation ne sera pas à nouveau un appel à une patience mortifère.

Le soutien de la France insoumise à notre proposition par la voix de ma collègue Mathilde Panot :

Notre texte vidé de sa substance avant d’être adopté par En Marche…

Après avoir rejeté l’ensemble des 4 articles que contenait notre loi et gardé une infime partie de nos propositions, la majorité a avec le gouvernement adopté la version finale : un texte extrêmement pauvre.

Réaction à la suite de la discussion du texte : nous nous abstenons face au manque total de volonté de la majorité En Marche.