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Depuis plusieurs semaines, notre pays vit un moment historique. Ceints de leurs gilets jaunes, nos concitoyens manifestent pour exprimer une colère profonde et légitime.
Pleinement conscients de la responsabilité de l’exécutif dans le sort qui leur est fait, ils en appellent à la justice, celle qui consiste à pouvoir vivre dignement, à contribuer équitablement à l’effort national, à bénéficier d’une réelle redistribution des richesses du pays.
Face à ce grand mouvement populaire, face aux manifestations pacifiques qui se sont déroulées à travers toute la France, l’exécutif a failli.
La gestion du maintien de l’ordre a été catastrophique.
Les opérations de service d’ordre public n’ont pas permis l’exercice des libertés publiques tout en assurant la sécurité des personnes et des biens.
Le bilan de ces dernières semaines est désastreux : onze personnes sont mortes, des milliers de personnes ont été blessées, mutilées.
Dans des conditions d’extrêmes tensions, le gouvernement a choisi de rompre avec la doctrine française du maintien de l’ordre qui repose sur la prévention des troubles, l’absolue nécessité de l’usage de la force et la réponse proportionnée à la menace.
Le processus de pacification de la gestion des manifestations autour duquel s’est bâtie la doctrine du maintien de l’ordre « à la française » a laissé place à un processus de confrontation. L’approche policière du maintien de l’ordre s’est traduite ces dernières semaines par le développement des logiques d’interpellation qui implique un rapprochement au corps à corps et un abandon de la logique de mise à distance. Elle s’est traduite également par l’intervention croissante d’unités non spécialisées dans le maintien de l’ordre et par une militarisation de l’armement.
Les armes de force intermédiaire sont de plus en plus utilisées, en particulier les lanceurs de balle de défense (LBD 40), les grenades lacrymogènes instantanées (GLI F4) et les grenades de désencerclement.
Depuis le début des manifestations, le 17 novembre 2018, dit l’acte I des « des gilets jaunes », le LBD 40 a été utilisé à 9.228 reprises ce qui a entraîné l’ouverture de 133 enquêtes par l’Inspection générale de la police (IGPN).
Les lanceurs de balle de défense ont progressivement été introduits en maintien de l’ordre français depuis le début des années 2000, connaissant un essor majeur après les émeutes de 2005. C’est tout d’abord le Flashball Superpro qui fut utilisé. Le LBD 40 a quant à lui été introduit en France en 2009 et s’est depuis considérablement développé. Suite aux diverses recommandations en ce sens, notamment celles du Défenseur des droits les autorités de police ont annoncé l’abandon du Flashball Superpro en raison de son imprécision, au profit du LBD 40.
Le lanceur de balles de défense est, par nature, d’une utilisation problématique dans le cadre du maintien de l’ordre, tant au regard de ses caractéristiques que du fait de ses conditions d’utilisation.
Comme le souligne le Défenseur des droits, dans son rapport de décembre 2017, sur « Le maintien de l’ordre au regard des règles de déontologie », le lanceur de balles de défense, dans le cadre de rassemblement sur la voie publique ne permet ni d’apprécier la distance de tir ni de prévenir les dommages collatéraux.
« Au cours d’une manifestation où, par définition, les personnes visées sont généralement groupées et mobiles, le point visé ne sera pas nécessairement le point touché et la personne visée pourra ne pas être celle atteinte. En outre, même si le tireur respecte les prohibitions et injonctions de la doctrine d’emploi technique, l’utilisation d’une telle arme à l’occasion d’une manifestation est susceptible de provoquer de graves blessures comme la perte d’un œil, possibilité qui confère à cette arme un degré de dangerosité disproportionné au regard des objectifs du maintien de l’ordre. »
Les lanceurs de balle de défense sont, en outre, susceptibles d’occasionner des blessures graves, irréversibles, voire des décès. Comme le souligne l’association ACAT, ces armes sont en effet à l’origine de la multiplication de blessures d’un type inédit, notamment des infirmités graves comme des énucléations.
Les risques de mutilations et d’infirmités permanentes que présente l’utilisation des lanceurs de balles de défense confèrent à cette arme un degré de dangerosité disproportionné au regard des objectifs du maintien de l’ordre et s’agissant de personnes qui ne constituent ni un danger ni une menace.
Au regard de l’inefficacité du recours aux lanceurs de balles dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre, de sa dangerosité et des risques disproportionnés qu’il fait courir dans le contexte des manifestations, conformément à la recommandation du Défenseur des droits, cette proposition de loi vise à interdire l’usage des lanceurs de balle de défense dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre, quelle que soit l’unité susceptible d’intervenir.
Au-delà de cette interdiction immédiate, il apparait nécessaire de mener une réflexion sur la stratégie du maintien de l’ordre dans une logique de pacification, d’apaisement des tensions afin de garantir un strict équilibre entre la protection de l’ordre public et le respect des libertés publiques.
Proposition de loi visant à interdire l’usage des lanceurs de balles de défense dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre.
Article unique :
Avant le dernier alinéa de l’article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cadre de ces opérations de maintien de l’ordre, l’usage des lanceurs de balles de défense est interdit. »