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Nous sommes réunis ici aujourd’hui sans document préparatoire, sans texte, sans vote pour parler Immigration.
Il y a un an, nous avons passé une centaine d’heures à examiner la loi Asile et immigration, une loi inique de 41 articles, à peine entrée en vigueur. Un débat sur l’immigration annoncé après le grand débat national qui ne plaçait pas cette question en tête des revendications, l’ISF lui figurait en pôle position, vous avez décidé que le débat n’avait pas lieu d’être sur ce sujet.
Un débat sur l’immigration lancé par le Président de la République à la rentrée au travers d’une sémantique qu’on espérerait d’un autre temps mais aussi peu documenté : je cite «sortir du déni», «arrêter le laxisme» «immigration massive », le président de votre mouvement emboitait la pas en s’inquiétant d’un appel d’air provoqué par le remboursement des prothèses mammaires. Premièrement elles ne sont pas prises en charge par l’AME, deuxièmement vous avez choisi d’entamer le débat sur la pente la plus crasse. Il s’agit de personnes qui fuient des conflits, la faim, qui sont victimes de trafic et vous les soupçonnez d’un tourisme esthétique !
Tout à coup il faudrait donc parler immigration, c’est pourtant le silence que vous choisissiez lorsque l’Aquarius réclamait à corps et à cris d’accoster.
Tout à coup, nous parlons immigration, non pas pour aborder la détresse des migrants en mer, en Lybie que l’Europe mandate, non pas pour réallouer les milliards dépensés dans Frontex vers l’accueil, non pas pour traiter la situation de celles et ceux qui travaillent, scolarisent leurs enfants depuis des années et qui ne retourneront jamais dans leur pays d’origine car leur vie est ici. Les deux grandes phases de régularisation ont déjoué tous les mythes d’appel d’air.
Non ici, vous vous servez du parlement pour participer au lancement de la phase 2 du quinquennat, pensant qu’en parlant quotas, en parlant de submersion, vous assurerez la réélection de votre mouvement. Les plus honnêtes avec cette stratégie pensent endiguer le vote d’extrême-droite. Mais en plaçant ce sujet comme un problème grandissant vous légitimez leur vision du monde. Ce soi disant rempart a tous les dangers du passe plat en réalité.
La question de l’immigration n’est pas une diversion, le discours qui repose sur « un trop plein » d’immigrés permet un récit alternatif aux conséquences des choix politiques que vous opérez. Pire encore, vous insultez les classes populaires en affirmant qu’elles seules ont le monopole du racisme et de la xénophobie. C’est oublier qu’une partie des classes populaires est descendantes d’immigrés ; c’est oublier aussi que la cohabitation entre population dite majoritaire et population d’origine immigrée se construit plus dans les milieux populaires que dans les milieux supérieurs.
Vous souhaitez aujourd’hui réformer l’AME. Rappelons qu’elle équivaut à 0,5% des dépenses de l’Assurance maladie. Si ce budget est en augmentation ces dernières années, c’est la politique migratoire qui est à blâmer. La hausse du nombre de bénéficiaires est une conséquence directe de la hausse des difficultés pour obtenir un titre de séjour.
Par ailleurs, la remise en cause de l’accès aux soins des demandeurs d’asile par l’instauration d’un délai de carence de 3 mois est dangereuse. Cette mesure fait de la santé publique qui nous protège toutes et tous un critère de la supposée « attractivité de la France ».
Mettez donc fin au mythe de l’appel d’air. Dites aux Français que le solde migratoire est stable.
Une étude du CNRS de 2018 démontre combien les migrants contribuent à la richesse économique du pays d’accueil. Ils ne menacent ni l’emploi, ni les régimes de sécurité sociale des pays où ils s’installent. Car ils sont aussi des producteurs, des consommateurs, des contribuables et des cotisants. Ce sont les politiques néolibérales qui mettent les peuples en concurrence et en pauvreté.
Il nous faut sortir de la peur des migrations subsahariennes. Tous les démographes démontent la théorie de la submersion.
Nous ne pouvons oublier notre part de responsabilité dans le drame afghan, le chaos libyen, la crise climatique. En 2018, la France réalise sa troisième meilleure performance en vente d’armes depuis 20 ans. Nous ne pouvons pas, d’une part dénoncer la violence et l’instabilité de certaines régions en crise, et dans le même temps en nourrir la source. D’une main vendre des armes, de l’autre, flécher l’aide publique au développement au renforcement des frontières et à l’augmentation du nombre de garde-côtes.
Le diagnostic des associations est alarmant concernant le respect des droits et libertés des migrants : une insuffisance voire une absence de tout dispositif sanitaire et social pour protéger les besoins fondamentaux des personnes exilées mais également des pratiques de refoulement aux frontières.
Il y a un an, vous promettiez la fin de la rétention des enfants. En 2018, ils étaient 208 en France métropolitaine, une multiplication par 5 depuis 2013 et sont déjà 193 enfants cette année.
Le progressisme dont vous vous revendiquez ne peut se réduire à un discours vide que l’on fait au peuple entre deux tours pour faire barrage au FN. Le progressisme c’est accepté qu’il existe des droits et libertés individuels, inattaquables et incompressibles.
Au prix d’une vision sécuritaire, répressive, qui alimente la xénophobie, l’agitation fantasmée du spectre de la pression migratoire se heurte chers collègues à un mur : celui des réalités. La seule voie responsable c’est de mettre en œuvre une politique ambitieuse et solidaire à l’égard des migrants.