Discours contre une resolution qui vise à restreindre les conditions d’accès à l’aide médicale d’état

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C’est une petite musique qui revient à droite aux grés des congrès, des élections, des renoncements ou des faits divers : les étrangers seraient à l’origine de tous les maux de notre société. Pour cela rien de mieux que des arguments infondés au simplisme abyssal faisant un lien direct entre délinquance et immigration, la fragilisation de nos services publics ne seraient que le fait de profiteurs étrangers, les retraités étrangers eux détourneraient leur pension au profit d’une vie au pays. 

Tout est bon pour stigmatiser davantage, le tout fondé sur des mensonges que toutes les études statistiques sérieuses démontent.

Tout cela fracture notre société chaque jour un peu plus. Pourtant cette restriction des droits des étrangers ne profitera en aucune manière aux Français !

Puisqu’il nous faut le répéter, je vais le refaire ici, comme tentent de le faire de nombreux chercheurs : non nous n’assistons pas à une submersion migratoire, le solde migratoire est stable dans notre pays, les régularisations et les sauvetages en mer n’ont jamais provoqué « d’appel d’air » et le grand remplacement de la population française est un mythe raciste infondé et dangereux. En revanche, nous assistons à un grand renversement des normes où l’accueil et l’humanité, plutôt que d’être soutenus, sont criminalisés. 

Selon le rapport annuel de l’Observatoire européen de l’accès aux soins pour l’année 2015 de Médecins du Monde, la migration pour soins est un mythe, rien ne prouve l’existence de filières de soins. 

Mais en réalité tout est bon pour s’exempter des conséquences de l’affaissement des services publics. La droite, qui y est pour beaucoup, préfère pointer les étrangers, quitte à mentir éhontément. A l’image de la rapporteure qui utilise l’argument fallacieux d’une “exception européenne” pour justifier cette restriction du champ de l’AME.  Or, l’AME est déjà restrictive puisqu’elle exclut de sa prise en charge des soins relatifs à la PMA, les médicaments à faible rendu et les cures thermales et qu’elle conditionne les soins et traitements non urgents à 9 mois d’admission au dispositif. 

Dans les faits, l’AME est un dispositif complexe et défectueux : 64% des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête inter-associative ont rencontré des difficultés pour se faire soigner et 7/10 ont finalement renoncé. Plus encore, une enquête du ministère de l’intérieur a estimé à 51% le taux de non-recours des personnes éligibles à l’AME.

Par ailleurs, cette proposition de résolution pousse l’absurde au cruel en contrôlant davantage les procédures de greffes d’organes afin de déterminer si la part des étrangers bénéficiant d’une greffe en France fait peser des tensions sur le système. Rappelons pourtant qu’entre 2012 et 2022 les patients résidant hors de l’Union Européenne n’ont représenté en moyenne que 0,8% des personnes greffées.

Cette proposition de résolution vise également à restreindre les conditions d’accès à la procédure d’admission au séjour pour soins à une résidence de deux ans, à un pronostic vital engagé à court terme, d’exclure les titulaires d’un titre de résidence d’un pays de l’Union Européenne. Cette proposition est dangereuse. En Espagne, la restriction de la couverture santé aux urgences avait provoqué une hausse de la mortalité des personnes migrantes de 15%. 

Ainsi donc, à l’encontre de toutes les études sérieuses, cette proposition de résolution est à la fois inefficace et dangereuse. 

Dangereuse moralement d’abord : laisser un être humain malade sans soin relève pourtant du droit humanitaire le plus basique.

Dangereuse politiquement ensuite : c’est une mesure contraire au principe de non-discrimination inhérent au droit à la santé, protégé au niveau national et international.

Dangereuse d’un point de vue sanitaire enfin : puisque l’argument humaniste peine à vous convaincre, peut être serez-vous plus sensibles à l’argument selon lequel l’AME protège l’ensemble des membres de la société. Doublons cela d’un argument financier puisque nous débattons dans le cadre du printemps de l’évaluation : la prise en charge d’urgence coûte bien plus cher que la prévention. 

J’en profite pour rappeler à celles et ceux qui pourraient être attirés par cette logique du bouc-émissaire, que l’affaiblissement des droits des plus vulnérables n’a jamais fait augmenter les droits de tous. Au contraire, une société qui protège les plus vulnérables est une société bien plus disposée à protéger les droits de tous ses concitoyens. Pour donner un exemple, la régularisation des travailleurs sans-papiers entrainerait une élévation des normes sociales pour tous les travailleurs du pays. 

Je souhaite rappeler en conclusion que les membres de la majorité avaient voté contre cette PPR en 2021. Les membres de la majorité, sont-ils donc au diapason du ministre Darmanin lançant un « chiche travaillons ensemble » à cette droite qui copie-colle le programme du RN ? Ou est-elle au rendez-vous de ce grand défi qu’est cette crise de l’accueil ?