Budget primitif départemental 2017 : Position de notre groupe

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Lors de la séance publique du 9 décembre 2016, le Conseil départemental a été amené à débattre de son budget primitif 2017.

Présenté par la majorité de droite, celui-ci s’inscrit dans la continuité des politiques budgétaires pratiquées depuis des années dans les Hauts-de-Seine. Resserrement des dépenses de fonctionnement, réduction du périmètre des services publics, compression de la masse salariale… tous les ingrédients de la doctrine austéritaire sont bien là.

Patrick Jarry est intervenu au nom de notre groupe Front de Gauche & Citoyens pour proposer une alternative budgétaire ambitieuse pour notre département et sa population.

Le Conseil départemental doit assumer comme il se doit ses missions et notamment en termes d’action sociale et de protection des Altoséquanais les plus fragiles.

Il doit renforcer son intervention en faveur de la petite enfance, des collèges, des demandeurs d’emploi, des personnes handicapées, des seniors et du monde associatif. Il ne peut se contenter de grands investissements qui ne bénéficient qu’à une minorité et dont la majeure partie de la population du département ne profite pas.

Retrouvez ci-dessous la retranscription de l’intervention orale de Patrick Jarry :

Monsieur le Président, Chers collègues,

Pouvons-nous convenir d’une évidence ? Convenir que nous sommes le fruit de l’histoire et des générations antérieures.

Il serait d’une arrogance coupable de nous croire coupés de cette chaîne du passé. De penser qu’en reproduisant méthodiquement les conditions qui hier ont fait germer le pire, notre temps présent saurait, lui, y échapper. L’histoire est récursive. Les mêmes causes produisent les mêmes effets.

L’exclusion, le sentiment d’injustice : c’est sur ce terreau que pousse l’ortie âcre du ressentiment, que grandissent les frustrations, la colère, les pires instincts. Laisser s’installer des inégalités délirantes, fragiliser encore davantage ceux qui ont justement besoin des solidarités, c’est mettre en péril toute la société.

L’histoire ne l’a que trop prouvé. Au sein du Conseil National de la Résistance, communistes et gaullistes s’étaient retrouvés autour d’une conviction forte : faute de politiques volontaristes qui convertissent les excès de richesses en bien-sociaux, l’exclusion et l’injustice deviennent telles qu’elles menacent la démocratie elle-même.

Le présent gronde déjà d’avertissements. Ça grince, dans les isoloirs et ailleurs. Le populisme prospère. Ce budget que vous nous proposez pour 2017, dans la lignée de toutes les décisions et actions de la majorité départementale, est profondément injuste, et en cela, il est dangereux.

Car, il faut absolument le dire, il y a des pauvres dans les Hauts-de-Seine, alors que nous sommes, après Paris, le département le plus riche de France1, nous sommes le département des ultra-riches, des grandes fortunes, des cadres supérieurs très aisés, mais nous sommes aussi un département dont près de 12% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Et ce sont là les dernières données de l’INSEE disponibles2.

Nous sommes le département des extrêmes, le département des plus grands écarts de richesse. Oh bien sûr, ces extrêmes n’habitent pas aux mêmes endroits.

Plus d’un habitant du département sur 10 vit sous le seuil de pauvreté : je le répète, tant il faut être conscient de cette réalité pour bien appréhender le projet de budget que vous nous proposez.

Plus d’un habitant du département sur 10 vit dans la fragilité, la vulnérabilité, la marginalisation, l’exclusion.

Que faire de ces 190.000 de nos concitoyens sous le seuil de pauvreté, comment les aider ? Puisque nous sommes, après Paris, le département le plus riche de France ?

Les aider, non : ce n’est pas à cela que vos budgets, années après années, cherchent à répondre. Au contraire. Vous diminuez méticuleusement toutes les actions que vos prédécesseurs avaient accepté de mettre en place.

Pour cela, votre majorité utilise tous les leviers à sa disposition :

les aides et les accompagnements sociaux à minima. Signalons évidemment que la ligne « sociale » du projet de budget 2017 que vous soumettez au vote n’augmente pas, puisqu’elle n’est impactée que des revalorisations règlementaires3.

L’autre levier, c’est une politique d’aménagement excluante.

Le département le plus riche de France, après Paris, est aussi le plus dur avec ceux qui n’ont pas les moyens de se loger ici, et ils sont nombreux à devoir quitter ce territoire.

Dans le rapport qui nous est soumis, vous osez vous féliciter, je cite « du ralentissement de l’augmentation » du nombre de bénéficiaires du RSA – parce qu’il induit, je cite encore, « une maitrise des coûts ».

L’augmentation du nombre de bénéficiaires du RSA est en effet nettement moins forte par rapport à la moyenne nationale. Mais il y a à cela une raison que vous cachez : c’est que de plus en plus de bénéficiaires du RSA n’ont pas leur place dans les Hauts-de-Seine, parce qu’ils n’ont plus les moyens d’y résider et d’y vivre.

Et à ce rythme là, vous pouvez même espérer à terme une baisse nette du nombre d’allocataires du RSA, ce qui ne signifiera pas qu’il y a moins de pauvreté à l’échelle de la Région, mais bien qu’ils sont de plus en plus nombreux à quitter ce département.

Ce projet de budget 2017 reflète parfaitement cette politique.

Je prends un exemple, qui illustre bien toute l’iniquité de vos choix: la réduction de l’enveloppe consacrée au Fonds de Solidarité Logement et au Fonds de Solidarité Energie.

Après avoir dû assumer en gestion directe le FSL, vous en avez modifié les critères d’attribution. Très vite, nous avons pu constater ce que Madame Godin reconnait également, une baisse importante de recours à cette aide. La raison en est simple : vous avez instauré des critères restrictifs d’accès à ce fonds, vous avez tout fait pour limiter l’utilisation de ce droit.

Face à cette chute des demandes d’utilisation du FSL, et suite aux interventions de mes collègues Marie-Hélène Amiable et Elsa Faucillon, vous avez d’abord biaisé, en promettant en septembre une étude pour comprendre les effets restrictifs des critères choisis et corriger les limitations de l’accès au droit qu’ils provoquent.

Mais nous découvrons que dans ce budget, vous amputez de 25% les crédits du FSL, qui passent de 9 à 7 millions d’euros ! C’est ahurissant ! Ce qui veut dire que vous n’avez même pas attendu les résultats de l’étude, programmés pour le premier semestre 2017, pour prendre cette décision scandaleuse.

Oserez-vous nous dire l’an prochain, que le nombre de famille qui connaissent des difficultés pour payer leurs charges locatives est en net recul ? Si cela s’appelle « faire de la politique », alors il y a de quoi désespérer du mot, et de toutes les valeurs qui devraient présider à l’exercice de nos mandats.

Dans le domaine de la Petite enfance, vous n’agissez pas différemment. De réductions budgétaires en désengagements, en passant par des transferts de compétences et des réorganisations, mutualisations, modélisations, vous arrivez petit à petit à déstructurer le travail des PMI sur le territoire, à détricoter le maillage des structures d’accueil de Petite enfance, mais aussi à désorganiser très durement la protection de l’enfance et l’accueil des enfants et des jeunes en danger.

Nous pouvons aussi parler des Espaces Insertion, des ESAT, où vous vous désengagez. Des clubs de prévention, dont le simple fait de geler les participations revient à les étrangler, puisqu’ils sont soumis à une augmentation de leur masse salariale du seul fait de l’effet GVT. A Colombes et Nanterre, par exemple, le Club des 4 Chemins connaît de sérieuses difficultés de fonctionnement.

Et il en va de même de la culture, de la jeunesse, des sports et des loisirs – dont le budget en augmentation n’est dû qu’à la Cité de la Musique, tandis que le reste, les associations, toutes les structures dont certaines de taille modeste, d’éducation culturelle, sportive, toutes ces associations riches et diversifiées qui agissent au plus près des habitants, souffrent des restrictions.

Parlons encore de l’aide aux personnes âgées, près de 5 M d’€ en moins, l’aide à l’adaptation des logements sociaux aux personnes âgées, qui baisse de près des ¾ , etc…

Tout baisse dans vos politiques sociales, et pendant ce temps-là, le revenu médian dans le département, lui, progresse.

Nous ne cherchons pas à polémiquer ou à exagérer. Nous vous invitons à consulter le rapport, diffusé en septembre de cette année, qui s’intitule Dynamiques Territoriales dans les Hauts de Seine, qui émane du Diocèse de Nanterre.

Ce rapport transpire d’inquiétude. Il relève notamment, je le cite : « Une tendance à la ségrégation sociale entre riches et pauvres, entre territoires qui paraît s’accentuer. ». Vous avez bien entendu, le Diocèse de Nanterre parle de ségrégation dans les Hauts-de-Seine.

Je cite encore : « Des poches de pauvreté qui perdurent, et tout particulièrement la zone de la Boucle-nord contigüe avec le Val d’Oise et la Seine-Saint-Denis et lorsqu’elles se réduisent, c’est par exclusion hors département des plus pauvres au profit des plus riches. »

Si nous déplorons cette absence de politique volontariste de solidarité, il convient de dénoncer, une nouvelle fois, la gestion budgétaire qui en résulte.

Et notamment, les dépenses d’investissement que vous financez, autant que vous le pouvez, en rognant sur toutes les politiques sociales. Dans ce nouveau budget, nous constatons encore un virement du solde de fonctionnement à la section d’investissement, de 83 M€. L’an dernier, il était déjà de 62 M€.

Il faut notamment parler des grands équipements, qui s’amortissent sur plusieurs décennies : ils ont vocation à être financés par l’emprunt. Bien sûr, nous ne dénonçons pas le principe d’autofinancement des investissements, mais son niveau extrêmement élevé, et la compression du budget de fonctionnement qui en résulte.

Si nous prenons l’exemple des tramways déjà achevés, T1, T2 et T6, c’est  plus de 220 millions d’euros que le département a engagé. Et ce n’est pas fini avec les futurs prolongements du T1 jusqu’à Colombes, du T2 jusqu’à Rueil-Malmaison et du 10 Antony-Clamart. Nous nous félicitons évidemment de ces grands investissements qui vont irriguer notre territoire durant les 50 prochaines années, mais il est absolument insensé de les amortir directement en cash !

Les HDS font partie des trois départements français qui ont le moins d’endettement par habitant, avec l’Ariège et l’Isère.

Et concernant l’endettement que vous proposez dans ce projet de budget, s’agit-il d’un affichage semblable à l’exercice précédent ? Rappelons qu’au BP l’an passé, vous annonciez 262 M€ : l’emprunt réellement effectué n’a finalement été que de 42,5 M€. Nous pourrions qualifier cela d’insincérité budgétaire, non ?

Alors c’est clair, très clair, votre politique est limpide. Vous êtes ici à l’échelle du département, l’antithèse parfaite de l’esprit de Philadelphie. C’est dans cette ville qu’en 1944, a été « proclamée la première déclaration des droits à vocation universelle », faisant de la justice sociale une des pierres angulaires du nouvel ordre international qui a émergé des ruines de la guerre.

L’esprit de Philadelphie, c’est le consensus selon lequel il ne peut y avoir de paix durable sans harmonie sociale, donc sans une redistribution juste, et un égal accès de tous aux bien communs : la santé, l’éducation, les transports, la culture…

A cela, vous préférez le dogme de la baisse des dépenses, opérant obstinément des coupes dans tous les secteurs.

Vous vous désolez des baisses des dotations au département.

Vous devriez pourtant vous féliciter que les dotations au département soient en baisse, et plus largement, que l’ensemble de ses recettes diminuent ! Vous devriez vous féliciter que dans ce projet de budget 2017, les recettes de fonctionnement sont réduites de 143 M€.

Car enfin, c’est bien ce que vous ne cessez de réclamer au niveau national ! C’est bien votre candidat à l’élection présidentielle qui promet dans son programme, je le cite, de « Réduire la dynamique des dépenses des collectivités territoriales », et notamment, je le cite encore : « Réduire les subventions de l’État aux collectivités territoriales en revoyant en profondeur le régime des transferts de l’État. », cela participant des « 100 à 110 milliards d’euros d’économies en 5 ans sur les dépenses publiques ».

Alors assumez ! Assumez comme votre champion ce qui s’apparente à un véritable coup d’état social avec 500.000 fonctionnaires en moins, ce qui veut dire moins de policiers, moins d’enseignants, moins de personnels soignants dans les hôpitaux. Assumez les 100 milliards € d’économies sur les dépenses publiques, et une Sécurité Sociale qui ne rembourserait quasiment plus rien !

Dites que votre projet pour le département, c’est moins d’ESAT, moins d’Espaces Insertion, moins de Solidarité Logement, moins de Clubs de Prévention… Moins d’associations, moins d’accompagnement vers l’emploi pour ceux qui en sont le plus éloignés, moins d’aide pour les handicapés, moins, moins, moins…

Mais tout cela conduit à une autre forme de société. C’est la suppression des protections du collectif, pour entrer dans l’ère de l’individualisme à outrance, où chacun aura à « gérer son risque », où chacun aura la charge de sa protection sociale, et de se prémunir soi-même contre les aléas de l’existence. Tant pis pour ceux qui ne pourront s’assurer, ils en seront pour leurs frais, aucune solidarité ne viendra les soutenir…

Nous disons et redisons ici que, pour nous, le modèle social solidaire est le patrimoine commun des Français, le capital de ceux qui n’en ont pas, et qu’il faut le défendre à toutes forces, défendre les solidarités entre les individus, les générations, les territoires.

Monsieur le Président,

l’avenir n’est écrit nulle part. Mais l’heure est aux décisions authentiquement politiques. Nous attendons du département qu’il s’engage résolument dans une politique de justice sociale et de réduction des fractures, avec des politiques particulièrement volontaristes de protection des plus vulnérables. Le budget que vous nous proposez ne va pas dans ce sens. Nous voterons contre ce rapport.

Notre groupe proposera, par contre, 5 mesures :

  • 10 M d’€ pour l’accompagnement social et professionnel des bénéficiaires du RSA
  • 2 M d’€ pour la révision de la tarification sociale dans la restauration scolaire
  • 10 M d’€ pour la prise en charge à 50% de la Carte Imagine’R
  • 25 M d’€ pour l’extension du PASS Navigo-Améthyste, à 35€, à l’ensemble des retraités,
  • 2 M d’€ pour la revalorisation des subventions aux associations

Et en investissement :

  • 20 M d’€ pour l’amélioration de la performance énergétique dans les collèges
  • 2 M d’€ pour l’installation de station de Vélib dans le département

Voilà les décisions, nécessaires et possibles, à prendre.

1 PIB / habitant, données INSEE 2015

2 2010

3 Dû à l’augmentation des allocations légales APA, RSA, PCH, + 6 M€