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Intervention PPL interdiction des violences éducatives ordinaires.
Monsieur le Président,
Madame la Rapporteure,
Chers collègues,
« On est de son enfance comme on est de son pays », écrivait Antoine de Saint-Exupéry.
Cette proposition de loi visant à mettre fin aux violences éducatives ordinaires nous invite à réfléchir à quelle société nous voulons construire pour nos enfants.
Car l’abolition de ces violences contribue à notre sens à ériger une société humaniste et émancipatrice.
En effet, l’abolition de toute forme de violence envers les enfants lutte contre l’idée de domination et de la loi du plus fort. La non-violence ne saurait s’enseigner par la violence.
C’est pourquoi cette mesure s’inscrit dans le projet d’une société non violente et pacifique.
En France, le droit de correction continue régulièrement à être invoqué devant la justice, que ce soit pour les instituteurs, les nounous ou les parents.
Aujourd’hui, 47% des parents ont recours à des châtiments corporels sévères (grande gifle, frapper avec un objet…) et plus de la moitié frapperaient leurs enfants avant l’âge de deux ans.
Si l’obésité, l’asthme, l’échec scolaire et la baisse de l’estime de soi ne sont pas des maux qui ont tous la même origine, nous savons que les violences éducatives ordinaires peuvent avoir ces conséquences sur l’enfant mais aussi sur l’adolescent et l’adulte qu’il deviendra.
De même, si toutes les violences dites légères ne dégénèrent pas en violences sévères, nous savons qu’il existe un continuum entre les violences dites légères et les violences sévères et que les violences éducatives ordinaires constituent le terreau de la maltraitance.
En Suède, la prohibition de toute forme de violence envers les enfants en 1979 a contribué à considérablement réduire le nombre d’enfants battus.
N’en déplaise à la frange conservatrice, cette prohibition ne signifie pas la fin des limites éducatives ni même le sacre de l’enfant roi. Eduquer ne doit pas amener à la crainte mais au respect mutuel : l’exercice de l’autorité parentale doit exclure les châtiments corporels, toutes formes de violences physiques, verbales ou psychologiques.
Défendre les droits de l’enfant et l’intérêt supérieur de l’enfant, ce n’est pas seulement s’intéresser à leur sécurité mais également à leur bien-être et à leur épanouissement.
Cette loi a déjà été votée et n’a créé aucun remous dans l’opinion publique ! Le seul tort relevé par le CC est de ne pas s’être trouvé dans le bon texte.
Les Français sont prêts pour cette avancée : 81,5% des parents aspirent à une éducation sans violence dans la mesure du possible.
Les services de l’Etat s’intéressent également au sujet. La CAF prévoit des crédits et a créé une convention d’objectifs spécifiquement sur la parentalité incluant les violences éducatives ordinaires.
En somme, tout le monde est prêt pour ce changement : il ne reste qu’à la représentation nationale d’accompagner ce mouvement de fond.
La France est en retard : en tout, 53 pays dans le monde ont déjà aboli les châtiments corporels dans tous les contextes et des pays comme le Pérou ou l’Irlande ont voté cette loi à l’unanimité.
Par ailleurs, la France a ratifié il y a 30 ans la Convention internationale des droits de l’enfant dont les articles renforcent le droit de l’enfant à l’intégrité physique et à la protection de sa dignité. Ces articles sont sans appel : les méthodes d’éducation des enfants, quand elles utilisent la violence, ne relèvent plus de la sphère privée ni de la liberté éducative.
Selon le Défenseur des droits, le Conseil de l’Europe et l’ONU, la France doit mettre en œuvre ses engagements : abroger explicitement le droit de correction coutumier et interdire explicitement les châtiments corporels et les violences psychologiques dans la famille, les établissements scolaires et tous les lieux accueillant des enfants sans exception.
Cette proposition de loi, saluée par de nombreuses associations -notamment l’Observatoire des violences éducatives ordinaires- nous parait à plusieurs égards utile et mesurée.
Tout d’abord, la mesure proposée par cette loi relève du civil et non du pénal. Son objectif n’est pas de punir, ni de culpabiliser les parents, mais de poser le principe clair d’interdiction de toute forme de violence envers les enfants et d’alerter les citoyens sur les dangers des violences éducatives ordinaires.
Le droit de correction est un principe coutumier et sans base légale. La loi sur laquelle il se fondait a en effet été supprimée en 1958. En d’autres termes, ce droit coutumier doit être explicitement aboli et une loi claire doit être adoptée interdisant tout châtiment corporel.
Cette mesure assure davantage de cohérence dans les lois régissant les rapports entre parents et enfants. Car en autorisant les violences dites « légères », le droit de correction contredit les dispositions du code pénal qui sanctionnent toutes les formes de violences. En d’autres termes, ces violences sont réprimées par le droit pénal mais tolérées au nom de la coutume.
Par ailleurs, nous saluons la présence de l’expression « violence verbale ou psychologique ». En effet, la violence faite aux enfants n’est pas seulement caractérisée par la violence physique, et les connaissances scientifiques actuelles permettent de démontrer les effets négatifs des violences psychologiques sur le développement de l’enfant, la santé, l’estime de soi.
En plus de poser un principe clair d’interdiction, cette loi montre le chemin de son application réelle car l’incantation de beaux principes ne suffit pas. Il s’agit là de mettre en place un réel accompagnement des parents : places en crèche, soutien aux associations d’aide à la parentalité, développement des PMI de proximité…
Nous portons dans le cadre de cet examen trois amendements. Afin que le texte voté soit clair, explicite et applicable par les juges, le premier vise à interdire de manière claire et sans détours la fin du droit de correction.
L’autre amendement est relatif au congé paternité.
En effet, de nombreuses études démontrent que l’abolition du droit de correction doit être accompagnée d’une politique de sensibilisation et de structures œuvrant au développement de l’aide à la parentalité. Parmi ces mesures, les congés parentaux et les congés paternité sont prioritaires car on ne naît pas parents, on le devient.
Il est important de rappeler qu’il n’y a pas de déterminisme social ou culturel : les violences se retrouvent dans toutes les catégories socio-professionnelles. C’est important de le préciser car les préconçus sont nombreux dans ce domaine. Mais il existe en revanche des territoires dépourvus de structures œuvrant à l’aide à la parentalité.
Des lieux de rencontre et de réflexion sur l’éducation, la parentalité doivent en effet mailler le territoire en plus de lieux de relais et réseaux de solidarité pour les parents et les PMI doivent davantage être soutenues.
Il s’agit également de travailler sur l’amélioration de la formation des professionnels notamment sur les connaissances sur les violences éducatives ordinaires. En effet, la réduction de la violence passera de manière essentielle par l’intégration dans les formations initiales et continues.
Des campagnes d’information régulières doivent accompagner le vote de cette loi afin de porter à la connaissance du grand public, des parents et des professionnels les dernières avancées scientifiques sur le développement psycho-affectif de l’enfant, et les conséquences de la violence éducative ordinaire sur la santé physique et mentale.
Le renforcement des moyens et champs d’application du numéro d’appel gratuit 119 avec une cellule dédiée à la violence éducative ordinaire peut également faire partie de cette campagne de sensibilisation.
Cette proposition de loi, utile, mesurée et porteuse d’un avenir meilleur pour nos enfants, fera nous l’espérons l’unanimité dans tous les rangs. Le groupe communiste votera en faveur de cette proposition de loi.
L’intervention en vidéo