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Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Chers collègues,
L’examen de cette mission sera pour nous l’occasion de sonner l’alerte. Tous les signaux sont au rouge : durcissement de la répression policière et judiciaire, libération et légitimation de la parole raciste, augmentation des nationalismes identitaires. Aucun débat de fond n’est autorisé, les conservateurs de tous bords instrumentalisent les migrants et migrantes déshumanisés à des fins électoralistes pendant que celles et ceux qui les défendent sont criminalisés.
L’humanité de demain se construit avec l’accueil d’aujourd’hui. Au lieu de mettre en œuvre une politique respectueuse des libertés et droits fondamentaux, ce budget à l’image de la loi asile et immigration concourt au contraire à céder à la logique de la peur.
Et alors que le Président de la République a été élu sur la promesse de faire rempart, il n’a cessé depuis de légitimer les thématiques de l’extrême-droite. Votre part de responsabilité dans la situation actuelle n’est plus à démontrer.
En pleine crise afghane, alors que les Français s’émouvaient des images d’Afghans s’accrochant aux ailes d’avions au démarrage et des bébés passés de mains en mains par-delà les barbelés, le Président Macron d’un ton rassurant appelait à « anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants ».
Tout mélanger pour tout confondre et tout salir !
A Calais, le père Philippe Demeestère qui s’est mis en grève de la faim après la mort d’un adolescent soudanais le dit avec ses mots « La grève de la faim vient redire à toutes les intelligences qui se sont ankylosées, assoupies, ce qui se passe en France, explique-t-il. En 2021, dans une démocratie, c’est inacceptable. Il y a quelque chose qui rompt la fraternité humaine. Et en tant que citoyen français, j’ai honte. »
J’ai honte aussi, des dégradations des conditions d’accueil et d’accompagnement, des atteintes aux droits fondamentaux et des traitements dégradants, en particulier à l’égard de l’accueil des mineurs non accompagnés : associations, Défenseur des droits, Cour européenne des droits de l’homme et organisations internationales nous pointent du doigt pour tous ces manquements. Ce budget n’en a rien à faire, vous n’en avez que faire M. Le Ministre
Trop peu de moyens sont accordés aux instances de l’asile. Le principal problème en matière d’asile aujourd’hui n’est pas tant lié aux délais d’instruction mais au délai pour voir sa demande d’asile enregistrée.
Par ailleurs, presque la moitié des personnes demandeuses d’asile se retrouvent, pour divers motifs, placées en procédure dite accélérée, ce qui a pour principal effet de les priver de l’entièreté des garanties et droits. La réduction du temps d’instruction d’une demande d’asile, qui peut apparaître comme bénéficiant aussi au demandeur, est susceptible de le léser, parce qu’elle raccourcit le temps à sa disposition pour faire venir des pièces, des témoignages, pour rassembler des articles de presse, de la documentation…
Si la réduction des délais de la procédure d’asile constitue un objectif partagé par l’ensemble des acteurs de l’asile, encore faut-il que les autorités veillent à ce que l’instruction des dossiers nécessitant un examen particulier en raison de la vulnérabilité – notamment psychologique – des requérants s’inscrive dans une temporalité adaptée. Aussi, pour ne pas passer à côté d’un besoin de protection avéré, le droit à un recours effectif doit être garanti pour toutes les procédures d’asile.
Par ailleurs, ce budget prévoit de créer 800 places de centres provisoires d’hébergement. Cela est insignifiant face à l’ampleur de la demande de logement. J’ai en tête cette famille éthiopienne rencontrée dans une tente porte d’Aubervilliers qui avait obtenu le droit d’asile mais qui n’avait d’autre choix que de dormir dehors. Soulignons que les autorités françaises ont le devoir d’offrir un dispositif d’accueil aux demandeurs d’asile et réfugiés et peuvent être tenues responsables de la défaillance du dispositif national d’accueil. Le Défenseur des droits, dans sa décision du 10 juillet 2020, a déploré que « plus de la moitié des demandeurs d’asile ne sont pas hébergés par l’OFII et sont par conséquent contraints de faire appel au dispositif d’hébergement d’urgence, lui-même saturé, se reportant à des réseaux solidaires ou sur des habitats informels où ils sont par ailleurs exposés à des expulsions à répétition. ». Nous en faisons l’expérience chaque jour dans nos circonscriptions : cela conduit à des drames.
Et que dire des accueils dans les services étrangers des Préfecture, dans les Hauts-de-Seine, des gens perdent leur job faute de délais d’instructions raisonnables pour le renouvellement de leur titre de séjour.
Je souhaite finir mon intervention sur l’interdiction de l’enfermement des enfants. Récemment, dans son arrêt du 22 juillet 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné à nouveau la France pour non-respect de la Convention européenne des droits de l’homme en raison du placement en centre de rétention administrative d’une mère et de son nourrisson, âgé de 4 mois, pendant 11 jours, au mépris de l’intérêt supérieur de l’enfant. C’est une bataille que nous menons depuis le début du mandat. De nombreuses interventions larmoyantes ont été prononcées entre ces murs. Jamais cette mesure n’aura été courageusement adoptée. A chaque enfant enfermé en CRA, c’est nos valeurs que vous enfermez. Et le budget que vous vous apprêtez à voter va permettre de le faire.
Une des raisons qui suffit à voter contre ce budget parmi tant d’autres